Le recours des occupants de quelque 70 caravanes installées sur l’ancien site de l’entreprise Veillon a été accepté par la Cour de droit administratif et public.
24 heures, Raphael Cand
Coup de théâtre à Bussigny. L’ordre d’évacuation de quelque 70 caravanes installées sur une propriété privée vient en effet d’être
annulé par la Cour de droit administratif et public du Tribunal
cantonal. Cette dernière a accepté le recours déposé par les gens du
voyage qui occupent depuis début mars sans autorisation ce terrain, où
se trouvait anciennement l’entreprise de vente par correspondance
Veillon.
C’est dans un arrêt daté du 13juin 2022 que la justice
s’est prononcée. À la lecture du texte, on apprend que la propriétaire
de la parcelle a expliqué dans un courrier du 20 mai ne «pas être
opposée à la conclusion d’un contrat rétroactif avec la famille du
recourant afin d’autoriser le stationnement sur sa parcelle à certaines
conditions». «Malgré les critiques qu’elle formule à leur encontre»,
l’occupation a été tolérée à un moment donné. Atteinte publique rejetée
Ce consentement exclut dès lors «l’atteinte illicite au droit du
possesseur» et «l’atteinte à Tordre public». «L’ordre d’évacuation de la préfète, qui était précisément justifié par l’existence d’une atteinte à Tordre public, a ainsi perdu son fondement et doit être annulé.
Si elle entend obtenir l’évacuation du recourant et de sa famille, la
propriétaire se doit à présent d’agir par la voie civile», écrit le
président de la Cour. Les occupants des caravanes venus des quatre coins de la France peuvent donc pour l’instant continuer à vivre leur vie sur cette parcelle sans être dérangés. Contactée, la propriétaire ne
souhaite pour le moment pas faire de commentaires, «puisque aucune
décision sur les suites à donner à cette affaire n’a encore été prise».
Pascal Antonio, l’un des responsables du village de caravanes, déclare
quant à lui être satisfait de la décision de la justice. «On va
s’arranger avec la propriétaire, affirme-t-il.
Nous avons
prochainement rendez-vous avec. Si on nous propose d’établir un contrat
de location, nous nous engageons à payer les 20 francs par jour et par
attelage demandés.» Du côté de la Commune de Bussigny, la syndique
Claudine Wyssa dit «attendre désormais que les occupants partent de leur plein gré». «La Ville ne peut rien faire d’autre pour le moment,
indique-t-elle. Comme ils sont Fran-«Nous allons rencontrer la
propriétaire et nous arranger avec elle.»
Pascal Antonio,
responsable du village de caravanes çais, ils ne peuvent théoriquement
pas rester sur le territoire suisse plus de trois mois sans permis de
séjour. Mais il est impossible de prouver quand chacun d’entre eux est
arrivé.» La présence des gens du voyage pose-t-elle des problèmes dans
la localité? «Plusieurs riverains se sont plaints du bruit et des
mouvements de voitures, rétorque la syndique. Une hausse des
déprédations a été notée par la police, même si aucun lien n’a été fait
avec les habitants des caravanes. De manière générale, je constate un
ras-le-bol général au sein de la population.
Une partie des
citoyens ont l’impression que ces personnes peuvent tout se permettre.»
Éviter les amalgames Claudine Wyssa tient toutefois à ce que les gens ne fassent pas d’amalgame entre les individus vivant actuellement sur
l’ancien site de Veillon et les Yéniches suisses accueillis chaque été à Bussigny pour une durée de deux à trois semaines. «Nous autorisons
depuis pas mal d’années l’installation d’une dizaine de caravanes sur un terrain communal, explique-t-elle. Un contrat est établi à l’avance.
Ils paient un loyer et font les choses dans les règles. Il n’y a donc pas de problèmes.»
Morges est un exemple à suivre, selon les Yéniches
Si l’atmosphère autour des gens du voyage est tendue à
Bussigny, ce n’est pas le cas à Morges où une communauté de Yéniches est installée du 4 au 25juin. Comme chaque année, la Commune a autorisé
cette «grande famille» et sa vingtaine de caravanes à élire domicile sur le terrain du paddock, au Parc des Sports. Et si l’on en croit le
commandant de Police région Morges, la collaboration se passe bien.
«Hormis quelques broutilles, il n’y a eu historiquement aucun problème.
Ils ont toujours honoré leurs obligations et respectent les règles»,
affirme Clément Leu. Curieux d’en savoir plus sur ces nomades, nous
sommes allés à leur rencontre. «On est une communauté yéniche suisse,
une minorité nationale reconnue, explique Stève Gerzner, le responsable
du campement. Beaucoup de gens l’ignorent, mais nous faisons partie
intégrante de la diversité culturelle du pays depuis des centaines
d’années. Comme tout le monde, nous travaillons, payons des impôts et
cotisons à l’AVS.»
Alors qu’on estime à environ 30’000 les
personnes d’origine yéniche vivant actuellement en Suisse, seules 2000 à 3000 sont nomades toute l’année. Stève Gerzner, son épouse et ses
enfants sont quant à eux semi-sédentaires. Les mois les plus froids, ils les passent dans un logement de la région dYverdon. Et c’est de mars à
novembre qu’ils sillonnent les routes. «Cela fait partie de notre
culture et se transmet de père en fils, indique celui qui cumule les
casquettes d’entrepreneur dans le domaine de la construction et de
pasteur.
Nous vivons ainsi depuis notre naissance et on aime
ça.» Trouver des emplacements dans les villes ou villages n’est
cependant pas une partie de plaisir. «On respecte et on aime nos
communes, déclare Stève Gerzner. Pourtant, on n’essuie presque que des
refus, souvent sans en connaître les raisons. On souffre vraiment d’un
manque de considération, bien que le respect de notre mode de vie soit
inscrit dans la loi.»
Dans ce contexte, le Yéniche salue l’attitude des autorités morgiennes: «Pour moi, c’est un exemple à suivre dans le paysage romand.» RCA.